Au Moyen Age on aurait parlé de « Somme ». Au XVIIIe siècle, on aurait parlé d' « Encyclopédie » Aujourd'hui, on parlera peut-être de « banque de données » ! En tout cas, le livre de David J. Bosch s'impose comme l'ouvrage de référence pour toute réflexion sur la mission de l'Eglise, comme une merveilleuse carte d'orientation dans le dédale des opinions et des théologies. Mais l'objet même de l'ouvrage ne va-t-il pas freiner l'ardeur du lecteur potentiel ? Il y a une vingtaine d'années, des intellectuels du Tiers monde requéraient une « démission », le repli en bon ordre de tous lesdits « missionnaires » qui avaient installé un peu partout une Eglise européenne.
Si le terme de mission a résisté à la tempête, c'est qu'il exprime une dimension fondamentale de l'Evangile : son mouvement vers l'autre. La Bonne Nouvelle n'existe pas pour être amassée, mais pour être partagée, jetée au grand vent de l'humanité. En n'oubliant pas que le signe distinctif de la mission de Dieu n'est pas la réussite temporelle mais la Croix ! Selon une des formules paradoxales de l'auteur, c'est en effet « sous la Croix » que l'Eglise se sent vraiment en sécurité, dans l'expérience du don total et de la compassion.
David Bosch sait de quoi il parle, lui qui, Sud-Africain, a passé l'essentiel de son existence sous le régime de l'apartheid. Si l'auteur n'est plus parmi nous, c'est qu'il a été victime d'un accident de la route en 1992. Il avait 63 ans. Avant d'être professeur et responsable du département de missiologie à l'Université d'Afrique du Sud, David Bosch avait été missionnaire dans le Transkei, de 1957 à 1966. Son livre Transforming Mission ici traduit est le fruit de son expérience et de son enseignement. II ne pouvait rêver, sans doute, meilleur testament.
Ce testament comporte trois volets qui couvrent toute l'histoire de l'Eglise : exégétique avec l'analyse des théologies de Matthieu, Luc et Paul ; chronologique avec l'évocation des grandes périodes de la mission chrétienne ; analytique avec le décryptage des problématiques actuelles. L'érudition de l'auteur est impressionnante, mais davantage encore la finesse de son analyse et l'équilibre de son jugement. Voilà de l'observation participante qui n'est pas partisane ! En fréquentant ce témoin et cet intellectuel trop tôt disparu. le lecteur risque de s'en trouver lui-même « transfonné ».

Bruno Chenu, rédacteur en chef à La Croix - L'Evénement. Extraits de la préface.