Mémoires sur la guerre des camisards

Voici trois textes aujourd'hui introuvables dans leur intégralité qui forment un ensemble capital pour comprendre la guerre des Cévennes et la question camisarde. Dues à Abraham Mazel de Saint-Jean-du-Gard, Elie Marion de Barre-des-Cévennes, tous deux prophètes et chefs camisards, et Jacques Bonbonnoux (dont les Mémoires ont inspiré à René Allio son film Les Camisards), né près de Quissac, ces trois relations - écrites à des dates différentes (les deux premières entre 1708 et 1710, la troisième en 1730) - comptent parmi les grands textes traitant de la révolte des communautés protestantes persécutées depuis la révocation de l'édit de Nantes.
Des Cévennes à la plaine du bas Languedoc, du mont Lozère et de l'Aigoual à la Vaunage, c'est l'histoire d'une résistance et d'un pays racontée par trois irréductibles. On y croise les figures de Cavalier, Roland, Laporte, Ravenel, Catinat, Castanet, Claris, Jouany, Couderc, La Fleur, La Rose, La Valette,... On y entend la voix de milliers de combattants anonymes.
Battant la campagne par toute saison, pourchassés, affamés, luttant à un contre vingt, ces trois « fous de Dieu » et leurs frères d'armes hantent villages et hameaux que nous connaissons. Ils vont par les chemins que nous suivons encore, ils prient, combattent et meurent au hasard des combes et des forêts, quand ils ne sont pas pendus, roués, brûlés vifs ou envoyés aux galères. Avec leur foi, ils nous restituent le visage d'un pays où nous vivons, son âme obstinée, notre mémoire et aussi notre fierté.

ABRAHAM MAZEL (1678-1710). Prophète et chef camisard, il fait partie de la troupe d'Esprit Séguier, Salomon Couderc et Gédéon Laporte qui, le 24 juillet 1702, exécute l'abbé du Chayla, au Pont-de-Montvert, exécution qui marque les débuts de la révolte armée. Arrêté en janvier 1705, Mazel est enfermé à la Tour de Constance d'où il s'évade en juillet. Peu après, il négocie son amnistie et s'exile. En 1709, il rentre en Vivarais qu'il tente de soulever, gagne ensuite les Cévennes, mais, trahi, il est tué, près d'Uzès, le 14 octobre 1710.
ELIE MARION (1679-1713). Prophète et combattant camisard, cet ancien clerc de procureur rejoint ses frères au Désert en février 1703. Ayant négocié sa reddition en octobre 1704, il gagne la Suisse. Revenu en Cévennes en février 1705, il se rend une deuxième fois en juillet et part pour l'exil. C'est à Londres, en 1708, que lui et Mazel rédigent leurs Mémoires, qu'il complètera par divers additifs en 1709 et 1710. Jusqu'à sa mort, en 1713, il parcourt l'Europe avec d'autres prophètes, assurant un travail d'agitation en faveur des protestants cévenols.
JACQUES BONBONNOUX (1673-1755). Il fréquente très tôt les assemblées et, avec Claris, rejoint les camisards au début de 1703. Brigadier de Cavalier, il refuse de le suivre lorsque, en mai 1704, celui-ci se rend et tient le Désert avec les derniers résistants. Devenu prédicant, il parcourt les Cévennes, réunissant des assemblées, d'abord solitaire, puis à partir de 1715, avec Antoine Court qui œuvre pour la restauration du protestantisme. Réfugié à Genève en 1730, après vingt-sept ans et sept mois de résistance acharnée, il meurt en 1755.

Le pasteur VIELLES a assuré en 1883 la première édition des Mémoires de J. Bonbonnoux, édition tirée seulement à 250 exemplaires.
Le pasteur BOST, qui a édité en 1931 les Mémoires de Mazel et Marion, a publié de nombreux livres de grande valeur sur les camisards, notamment en 1912 sa monumentale étude sur Les Prédicants protestants des Cévennes et du Bas-Languedoc, 1664-1700.
Philippe JOUTARD, historien de la Réforme et du problème camisard, a écrit plusieurs ouvrages sur la question : Journaux camisards (1965), Une fois enracinée, La Pervenche (1972), La Saint-Barthélemy (1972), Les Camisards (1976), Historiographie de la Réforme (1976), La Légende des Camisards (1977), ainsi que de nombreux autres ouvrages, parmi lesquels Cévennes, terre de refuge (1994), Les Cévennes, de la montagne à l'homme (1999),...