La correspondance entre Formey, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences à Berlin, journaliste, apologiste et philosophe, et Elie Luzac, libraire imprimeur, juriste et auteur lui-même, comporte 213 lettres entre 1748 et 1770. Elle offre une abondante information sur le dynamisme de la librairie néerlandaise au milieu du XVIIIe siècle et témoigne du fonctionnement des réseaux de corres-pondance dans l'Europe des Lumières, qui est aussi l'Europe du Refuge huguenot. Ces réseaux sont une nécessité vitale pour les journalistes de l'époque et la correspondance de Formey sert directement ses contributions à plusieurs journaux. On assiste également aux négociations entre Luzac et Formey sur les publications personnelles du polygraphe berlinois. Enfin, cette c orrespon-dance laisse entrevoir que l'érudition "polyhistorique" des savants tels que Formey et Luzac perd de plus en plus du terrain en Europe et que leurs écrits cèdent peu à peu le pas aux ouvrages d'auteurs plus brillants et plus philosophes, mais souvent moins savants, des Lumières françaises. La tradition humaniste et universelle de la République des Lettres est en voie de di sparition au cours du troisième quart du XVIIIe siècle. De nouvelles orientations et de nouveaux points de référence caractéristiques des Lumières se substituent aux idéaux de la République des Lettres tels que Formey et Luzac les avaient vécus.