Le pentecôtisme au Brésil

Par son émotionnalité exaltée, le pentecôtisme, mélange de méthodisme et de religiosité africaine, va chercher les passions des masses brésiliennes les plus pauvres. Il change, à travers la conversion, leur vie et réunit les croyants dans une unité substantielle brusquant les mécanismes procéduraux de la démocratie. A la fois utopie d'égalité, d'amour et d'émotion mise en scène dans le culte, il est aussi autoritaire.

Dans son aspect « sectaire », ce mouvement représente l'« anti-politique » du pauvre, cet « ailleurs » non encore absorbé par la religion des classes moyennes qu'est le christianisme institué. Il est une voix refoulée et inacceptable. Il s'affirme dans un temps social discontinu dans lequel peuvent se glisser messie et violence.

Ni prolétaire annoncé par le marxisme, ni pauvre conscientisé de la théologie de la libération, le croyant est un « humble » qui se sent exister dans le chant de louange à Dieu, chant anarchique et fusionnel. Soudé à ses frères par « l'effet de piété », en retrait du monde et attendant le second retour du Christ, il érode le socle des catégories politiques.

André Corten est professeur de science politique et d'analyse du discours à l'Université du Québec à Montréal. Il est « visiting scholar » à Columbia University. Il a écrit plusieurs livres notamment sur la formation des catégories politiques et la structuration de l'État dans le Tiers monde (Algérie, Mexique, Haïti, République dominicaine, Brésil).