Depuis près de trois siècles, l'histoire des camisards n'a cessé d'éveiller les passions. C'est encore, aujourd'hui, une aventure mystérieuse et controversée. Les camisards sont tantôt des scélérats et tantôt des héros. Il s'en est fallu de peu que cette histoire ne soit ce qu'aurait été celle de l'Europe si Hitler était resté victorieux. Il n'en a pas été ainsi et le temps a accumulé les thèses contradictoires. Pour échapper à cette confusion, il semble qu'on n'ait trouvé rien de mieux, ces derniers temps, que de mêler toutes choses pour renvoyer dos à dos persécuteurs et persécutés.
Ce "peuple sans histoire", comme disait Michelet, a pourtant retrouvé la sienne, morceau par morceau. Ceux qu'on appelait des scélérats, des bandits et des criminels sont peu à peu redevenus des hommes avec tous les défauts humains, mais aussi avec les vertus que les hommes peuvent avoir : le don de soi, la foi, la résignation et le courage. Notre époque nous a permis de mieux les comprendre en nous révélant les secrets de la guérilla et de la guerre subversive et en dressant devant nous des figures comme celle du Che.
Pour aider à cette résurrection, André Chamson a choisi de raconter la vie du plus mal connu de tous les chefs camisards, Castanet de Massevaques, mal connu parce qu'il fut éclipsé par Roland et par Cavalier et parce qu'il fut le plus perdu dans un pays sauvage et, sans doute aussi, le plus rustique. Ce Castanet était garde des bois de l'Aigoual, chef de guerre des brigades de montagne et prophète inspiré de la solitude. En parlant de lui, c'est de l'Aigoual surtout qu'André Chamson a voulu parler. Il a dit souvent tout ce qui l'attachait à cette montagne et au massif qui l'environne. Pour lui, l'Aigoual est le mont Horeb, l'Olympe et le Parnasse, la montagne sainte. Plus encore qu'à la gloire de Castanet, il a écrit ce livre à celle de ce massif et de ceux qui l'habitent. Il voudrait qu'il soit comme un hymne, une cantate, un cantique montant aux flancs de l'Aigoual.
Pour raconter l'histoire de Castanet, André Chamson a pris pour fil conducteur ce que relatent les deux premiers livres dans lesquels il est question de lui. Presque contemporains des événements, ces deux ouvrages sont des récits passionnés écrits par deux ennemis des camisards, le R.P. Louvreleuil, prêtre de la doctrine chrétienne, ci-devant curé de Saint-Germain de Calberte, daté de 1704, et M. de Brueys, publié en 1737. L'écart de date qui existe entre ces deux livres permet souvent de faire éclater la vérité. Quant aux hommes et aux femmes qui se pressent autour de Castanet, ils ne sont guère différents de ceux qu'André Chamson a connus pendant sa jeunesse.