Benjamin Constant et la genèse du libéralisme moderne
ISBN :
9782130457428
Editeur :
Auteur :
Collection :
Info :
384
pages -
Broché -
1993
-
Prix 22,00 €
Thèmes :
4e de couverture :
L'ouvrage de Stephen Holmes sur Benjamin Constant intéresse à la fois le philosophe politique, le juriste et l'historien du XIXème siècle français, car il propose une réflexion d'ensemble sur le libéralisme, qui privilégie sa dimension politique et anthropologique. Au point de départ de l'analyse de Holmes, on trouve une défense raisonnée de la position de Benjamin Constant sur ce qu'on a appelé la "querelle des Anciens et des Modernes". En défendant la "liberté moderne", fondée sur la protection de la sphère privée ...
Constant n'a pas simplement voulu discréditer l'idéologie jacobine, dont il dénonçait le caractère anachronique : il a cherché (et selon Stephen Holmes, réussi) à montrer que l'émancipation libérale de l'individu représentait un progrès réel par rapport au civisme antique. L'Å“uvre de Constant trouve ainsi une actualité nouvelle, puisqu'elle apparaît comme une réponse anticipée aux objections de Leo Strauss contre la "modernité" comme aux critiques "communautaristes" de la tradition libérale. La "liberté moderne" n'entraîne pas cependant un effacement du civisme, et elle fait au contraire une large place à la liberté politique. Si la participation des citoyens aux affaires publiques n'est plus la forme privilégiée de la liberté, elle reste absolument nécessaire pour prévenir les abus du pouvoir et pour élargir les perspectives des individus à travers le débat public. En insistant sur cette dimension "civique" du libéralisme de Constant, Stephen Holmes est conduit à proposer une critique convaincante de l'opposition classique entre "libéralisme" et "démocratie". Même si, pour Constant, l'état de la société française nécessite d'abord l'affermissement d'un suffrage limité, son horizon est déjà celui de l'universalisation de la citoyenneté : la liberté politique progressera avec la diffusion des Lumières et avec la complexité croissante des intérêts. De ce fait même, l'att… [lire +]
Constant n'a pas simplement voulu discréditer l'idéologie jacobine, dont il dénonçait le caractère anachronique : il a cherché (et selon Stephen Holmes, réussi) à montrer que l'émancipation libérale de l'individu représentait un progrès réel par rapport au civisme antique. L'Å“uvre de Constant trouve ainsi une actualité nouvelle, puisqu'elle apparaît comme une réponse anticipée aux objections de Leo Strauss contre la "modernité" comme aux critiques "communautaristes" de la tradition libérale. La "liberté moderne" n'entraîne pas cependant un effacement du civisme, et elle fait au contraire une large place à la liberté politique. Si la participation des citoyens aux affaires publiques n'est plus la forme privilégiée de la liberté, elle reste absolument nécessaire pour prévenir les abus du pouvoir et pour élargir les perspectives des individus à travers le débat public. En insistant sur cette dimension "civique" du libéralisme de Constant, Stephen Holmes est conduit à proposer une critique convaincante de l'opposition classique entre "libéralisme" et "démocratie". Même si, pour Constant, l'état de la société française nécessite d'abord l'affermissement d'un suffrage limité, son horizon est déjà celui de l'universalisation de la citoyenneté : la liberté politique progressera avec la diffusion des Lumières et avec la complexité croissante des intérêts. De ce fait même, l'att… [lire +]
L'ouvrage de Stephen Holmes sur Benjamin Constant intéresse à la fois le philosophe politique, le juriste et l'historien du XIXème siècle français, car il propose une réflexion d'ensemble sur le libéralisme, qui privilégie sa dimension politique et anthropologique. Au point de départ de l'analyse de Holmes, on trouve une défense raisonnée de la position de Benjamin Constant sur ce qu'on a appelé la "querelle des Anciens et des Modernes". En défendant la "liberté moderne", fondée sur la protection de la sphère privée ...
Constant n'a pas simplement voulu discréditer l'idéologie jacobine, dont il dénonçait le caractère anachronique : il a cherché (et selon Stephen Holmes, réussi) à montrer que l'émancipation libérale de l'individu représentait un progrès réel par rapport au civisme antique. L'œuvre de Constant trouve ainsi une actualité nouvelle, puisqu'elle apparaît comme une réponse anticipée aux objections de Leo Strauss contre la "modernité" comme aux critiques "communautaristes" de la tradition libérale. La "liberté moderne" n'entraîne pas cependant un effacement du civisme, et elle fait au contraire une large place à la liberté politique. Si la participation des citoyens aux affaires publiques n'est plus la forme privilégiée de la liberté, elle reste absolument nécessaire pour prévenir les abus du pouvoir et pour élargir les perspectives des individus à travers le débat public. En insistant sur cette dimension "civique" du libéralisme de Constant, Stephen Holmes est conduit à proposer une critique convaincante de l'opposition classique entre "libéralisme" et "démocratie". Même si, pour Constant, l'état de la société française nécessite d'abord l'affermissement d'un suffrage limité, son horizon est déjà celui de l'universalisation de la citoyenneté : la liberté politique progressera avec la diffusion des Lumières et avec la complexité croissante des intérêts. De ce fait même, l'attitude nuancée, voire ambivalente, de Benjamin Constant à l'égard de Jean-Jacques Rousseau devient intelligible ; Rousseau avait confondu dans une même critique l'héritage féodal et absolutiste et la modernité naissante, tout en reconnaissant la ruine définitive du modèle "romain" ou "spartiate" : il restait donc à définir les conditions d'une citoyenneté moderne, en s'appuyant sur cela même qu'avait récusé Rousseau, la représentation et la "société civile" bourgeoise. Constant reste cependant sensible aux risques inhérents à la modernité : la critique rousseauiste de la division de l'âme moderne trouve un écho dans son œuvre littéraire, et il reprend aussi certains arguments romantiques contre l'héritage des Lumières. Mais le libéralisme de Constant trace ici une limite rigoureuse, qui le conduit à récuser les illusions d'une politique dont la prétention au sublime et à la fusion communautaire est à la fois inauthentique et potentiellement autoritaire. La pensée de Constant, telle que nous la restitue Stephen Holmes, propose une fondation de la politique libérale, mais elle n'interdit pas le regard critique sur l'humanité moderne.
Philippe Raynaud
Stephen Holmes est professeur de Science politique et de droit à l'Université de Chicago. Il vient de publier The Anatomy of Antiliberalism (Harvard U.P.).
Constant n'a pas simplement voulu discréditer l'idéologie jacobine, dont il dénonçait le caractère anachronique : il a cherché (et selon Stephen Holmes, réussi) à montrer que l'émancipation libérale de l'individu représentait un progrès réel par rapport au civisme antique. L'œuvre de Constant trouve ainsi une actualité nouvelle, puisqu'elle apparaît comme une réponse anticipée aux objections de Leo Strauss contre la "modernité" comme aux critiques "communautaristes" de la tradition libérale. La "liberté moderne" n'entraîne pas cependant un effacement du civisme, et elle fait au contraire une large place à la liberté politique. Si la participation des citoyens aux affaires publiques n'est plus la forme privilégiée de la liberté, elle reste absolument nécessaire pour prévenir les abus du pouvoir et pour élargir les perspectives des individus à travers le débat public. En insistant sur cette dimension "civique" du libéralisme de Constant, Stephen Holmes est conduit à proposer une critique convaincante de l'opposition classique entre "libéralisme" et "démocratie". Même si, pour Constant, l'état de la société française nécessite d'abord l'affermissement d'un suffrage limité, son horizon est déjà celui de l'universalisation de la citoyenneté : la liberté politique progressera avec la diffusion des Lumières et avec la complexité croissante des intérêts. De ce fait même, l'attitude nuancée, voire ambivalente, de Benjamin Constant à l'égard de Jean-Jacques Rousseau devient intelligible ; Rousseau avait confondu dans une même critique l'héritage féodal et absolutiste et la modernité naissante, tout en reconnaissant la ruine définitive du modèle "romain" ou "spartiate" : il restait donc à définir les conditions d'une citoyenneté moderne, en s'appuyant sur cela même qu'avait récusé Rousseau, la représentation et la "société civile" bourgeoise. Constant reste cependant sensible aux risques inhérents à la modernité : la critique rousseauiste de la division de l'âme moderne trouve un écho dans son œuvre littéraire, et il reprend aussi certains arguments romantiques contre l'héritage des Lumières. Mais le libéralisme de Constant trace ici une limite rigoureuse, qui le conduit à récuser les illusions d'une politique dont la prétention au sublime et à la fusion communautaire est à la fois inauthentique et potentiellement autoritaire. La pensée de Constant, telle que nous la restitue Stephen Holmes, propose une fondation de la politique libérale, mais elle n'interdit pas le regard critique sur l'humanité moderne.
Philippe Raynaud
Stephen Holmes est professeur de Science politique et de droit à l'Université de Chicago. Il vient de publier The Anatomy of Antiliberalism (Harvard U.P.).