Laboratoire de formes et d'idées, la littérature de voyages semble se jouer des catégories et balisages préétablis pour suggérer d'autres voies possibles dans le champ du savoir, d'autres harmonies ou dissonances entre les hommes, le monde et les livres. De la Renaissance à l'époque classique, la littérature française de voyages est la source à laquelle puiseront le roman utopique, le roman d'aventures, l'essai ethnographique et, dans quelques cas, le poème épique et le théâtre. Ce corpus foisonnant de textes où l'on découvre les prémisses de la pensée anthropologique actuelle se prêtait tout particulièrement à l'analyse interdisciplinaire. C'est pourquoi l'interrogation historique se conjugue ici à la réflexion anthropologique et à l'analyse rhétorique pour s'attacher à la topique de l'altérité, au mythe du sauvage et à la critique de l'Occident, enfin au rapport entre exotisme et culture classique.
A l'intérieur de ce corpus, la tradition calviniste mérite une attention particulière. Expression d'un rapport privilégié à l'écriture, elle offre un modèle d'explication et de domination de l'autre tout en ouvrant, à l'époque de la crise de la conscience européenne, l'espace critique de l'utopie et de la robinsonnade.

Spécialiste de littérature de voyages du XVIe et du XVIIe siècle, ainsi que du roman français entre les deux guerres mondiales, Paolo Carile, qui a enseigné dans les Universités de Bologne et de Vérone, est professeur de littérature française à l'Université de Ferrare. Après avoir présidé pendant plusieurs années la « Società Universitaria per gli studi di lingua e letteratura francese », il est actuellement président de l'Association culturelle internationale Italiques et du Prix qu'elle décerne.
Ses principales publications sont : Céline, un allucinato di genio (Bologne, Pàtron, 1969); Aspetti e motivi delle lettere di Saint-Evremond (Bologne, Clueb, 1970); Céline oggi (Rome, Bulzoni, 1974); Lo sguardo impedito. Studi sulle relazioni di viaggio in Nouvelle-France (Fasano, Schena, 1987); Ecritures de l'ailleurs. Littérature et anthropologie dans les premiers textes sur la Nouvelle-France (Rome, Aracne, 2000); il a dirigé deux volumes sur Aspects de la francophonie dans l'océan Indien (Fasano-Paris, Schena-Nizet, et Université de Ferrare, 1996-2000). Par ailleurs, il a publié des éditions d'auteurs classiques : Saint-Evremond, La comédie des Académistes (Milan-Paris, Cisalpino-Nizet, 1976); Montesquieu, Les Lettres Persanes (Paris, Hachette, 1995); Francesco Carletti, Voyage autour du monde (1594-1606), trad. fr. de F. Verrier (Paris, Chandeigne, 1999).